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Archipels, un Laboratoire Junior au service de l’étude des réseaux

Notre labo-junior est constitué de neuf doctorant·e·s en archéologie et en histoire, membres des laboratoires de la Maison de l’Orient et de la Méditerranée (MOM) : Clothilde Carmelle, Mathilde Defosse, Elena De Rosa, Adam Gagneux, Rachel Hédan, Tim Mibord, Lucile Pomès, Alyssa Turgis, Pierre-Lou Schang. Dans le cadre d’un appel à projet interne à la MOM nous avons proposé et obtenu la création d’un labo-junior, Archipels, dont l’objectif est d’organiser diverses journées d’études et ateliers en lien avec l’analyse des réseaux dans les mondes anciens en 2025 et en 2026.

C’est en discutant entre jeunes chercheur·e·s du bureau des doctorant·e·s de la MOM, autour d’une tablette de chocolat, que nous avons décidé de nous rassembler afin de nous interroger sur la place des réseaux dans notre travail (fig. 1).

Fig. 1 : (Presque tous) les membres du labo-junior Archipels à l’occasion de la présentation du groupe aux doctoriales de la MOM 2024.

La recherche actuelle en sciences humaines et sociales est particulièrement influencée par l’analyse des réseaux. En histoire et en archéologie, le phénomène a pris de l’ampleur depuis le début du XXIe siècle (Knappett 2013 ; Camberlein 2016). Exploré depuis une vingtaine d’années, l’outil méthodologique des réseaux a donné lieu à des travaux interdisciplinaires mêlant archéologie, histoire, sociologie et économie. Ce renouveau historiographique et épistémologique porte principalement sur trois thématiques interconnectées : les relations interpersonnelles, les échanges économiques et technologiques et les mobilités géographiques à toutes les échelles. L’analyse de ces thématiques par le prisme des réseaux a permis de réévaluer et de questionner notre vision des sociétés anciennes parfois encore perçues comme figées, aux échanges institutionnalisés et encadrés.

La notion de réseau est très large et introduit un vaste champ de possibilités d’analyse : nous retiendrons qu’analyser le passé en réseau consiste à étudier un phénomène relationnel qui peut être matériel ou immatériel. Ce sont en effet les relations de toutes formes entre individus qui ont joué un rôle central dans la formation des structures sociales, politiques et économiques des sociétés anciennes.

Pour appréhender la complexité de ces réseaux, il est essentiel de croiser différents types de données et de méthodes. C’est pourquoi le labo-junior Archipels propose d’adopter une démarche diachronique et géographiquement étendue pour saisir toutes les nuances de ce concept, en couvrant une vaste zone allant de l’Asie du Sud-ouest au bassin méditerranéen. Cette aire correspond également aux terrains sur lesquels les laboratoires de la MOM sont présents. Le labo-junior Archipels s’articule autour de trois questions essentielles : les interconnexions sociales, les échanges de biens et de technologies ainsi que les mobilités humaines.

Quels axes de réflexion pour Archipels ?

 Le réseau, dont l’étymologie renvoie au « filet » et à la structure formée par les liens entre différents éléments, est un concept qui ne peut être dissocié de son contexte social et des phénomènes qui lui sont propres. Selon Gurvitch (1946), ces phénomènes peuvent être examinés à différentes échelles : le plan microsociologique qui concerne les liens sociaux interpersonnels, le plan macrosociologique qui traite des structures et des institutions de la société, et les groupements partiels qui représentent des groupes intermédiaires situés entre le micro et le macro. L’analyse d’un réseau nécessite ainsi des allers-retours constants entre ces trois niveaux pour appréhender de manière plus exhaustive les liens et les interactions qui le constituent. En nous inspirant de la structure proposée par Gurvitch, nous proposons trois axes de travail pour une analyse plus approfondie des réseaux :

  • Axe 1 – Dynamiques des réseaux de déplacement : facteurs d’incitation et conditions environnementales.
  • Axe 2 – Cartographie des réseaux sociaux et professionnels : enjeux et méthodes d’analyse.
  • Axe 3 – Observer les réseaux d’échanges : flux, innovations et transformations.

À travers la question des dynamiques de déplacement (axe 1), nous souhaitons nous concentrer sur les mouvements de population et ce qui les motive. Analyser les réseaux à cette échelle implique d’étudier les trajectoires de mobilité géographique, sociale et professionnelle des groupes et des individus. Il s’agira dans ce cas de se demander quels sont les facteurs, qu’ils soient politiques ou environnementaux, qui occasionnent les mouvements de population. Ces transferts s’appuient sur des réseaux de mobilités soit volontaires (migrations, commerce, pèlerinages) soit forcées (déplacements liés aux conflits ou aux crises climatiques) (Moatti, Kaiser, Pébarthe, 2009). L’analyse des réseaux permet ainsi de cartographier ces flux de mobilité à diverses échelles et leurs conséquences culturelles, économiques et sociales au sein des sociétés (Müller, 2010).

La cartographie des réseaux sociaux et professionnels (axe 2) revêt une importance majeure pour comprendre les dynamiques relationnelles au sein des sociétés passées. Elle permet de révéler les interactions, les structures de pouvoir, ainsi que les mobilités sociales au sein de divers groupes. Ces processus impliquent l’étude conjointe de groupes sociaux et de trajectoires individuelles. Les réseaux ainsi mis en lumière soulèvent également des enjeux méthodologiques multiscalaires qui feront l’objet d’une étude approfondie. En effet, ce sont les relations sociales et professionnelles qui structurent la circulation de biens, d’idées et de technologies, tout en régissant les relations de pouvoir et d’alliance. Plusieurs travaux montrent la multiplicité des connexions entre individus et groupes d’individus, à diverses échelles géographiques qui remettent en cause les modèles hiérarchiques traditionnels (Taylor, Vlassopoulos, 2015 ; Ismard, 2010).

Il s’agira d’étudier les échanges de biens et de comprendre comment leur circulation structure les réseaux économiques et technologiques des sociétés passées (axe 3). La diffusion des innovations intrinsèquement liée à ces réseaux d’échange et de compétition fera l’objet d’une attention particulière. Étudier les réseaux de relations permet d’observer des échanges de biens et de technologies au-delà des liens entre centres de production et de consommation. Elles facilitent également la transmission de savoir-faire et de technologie.  L’analyse de ces dynamiques permettra de caractériser la place de la culture matérielle dans l’étude des réseaux humains.

Quel cap pour Archipels ?  

 Dans le cadre des deux années de fonctionnement, le labo-junior Archipels prévoit d’organiser une à deux journées d’étude pour chaque axe de recherche. Ces journées, qui auront lieu à Lyon, seront structurées en format hybride pour permettre une participation en présentiel et à distance via visioconférence. Un·e chercheur·e travaillant sur des thématiques contemporaines similaires sera également invité.e afin de comparer nos raisonnements, approches et méthodologies.

Une première journée d’étude, organisée au sein de l’axe 3 par E. De Rosa (Archéorient UMR 5133), L. Pomès (ArAr UMR 5138) et A. Turgis (ArAr UMR 5138 et ERIC UR 3083), avec le soutien de J. S. Baldi (Archéorient UMR 5133), est d’ores et déjà prévue pour le 8 avril 2025. Intitulée « Réseaux de techniques : transfert, innovations et ruptures », elle vise à explorer différentes approches d’analyse de la culture matérielle comme vecteur de relations et de réseaux d’interactions dans des contextes chronologiques et géographiques variés (fig. 2).

Fig. 2 : Programme de la journée d’étude « Réseaux de techniques : transfert, innovation et rupture » organisée par E. De Rosa, A. Turgis, L. Pomès.

Le labo-junior organise également des ateliers pratiques (Ateliers en cabotage) dont le but est d’approfondir les méthodes et outils d’analyse des réseaux. Ces ateliers, ouverts aux étudiant·e·s et aux chercheur·e·s, sont animés par des spécialistes formé·es aux logiciels concernés. Ils couvrent divers aspects méthodologiques, tels que la visualisation de données spatiales, l’analyse de graphes et la modélisation des interactions sociales et économiques. En favorisant des échanges directs, ces sessions visent à renforcer les compétences pratiques et à encourager l’adoption de nouvelles approches interdisciplinaires dans l’étude des réseaux passés.

Nos ateliers sont labellisés par l’École Doctorale 483 et bénéficient de son soutien financier. Le premier atelier concerne le logiciel GEPHI et est réalisé en deux séances : une passée, le 27 mars (fig. 3), et une qui aura lieu le 24 avril (fig. 4).

Par ailleurs, des conférences (Les Escales) destinées à un public plus large accueilleront des intervenant·e·s du monde de la recherche dont la méthodologie, bien que non directement liée aux axes de recherche, apportera des perspectives intéressantes et innovantes pour nos domaines d’étude. L’objectif sera d’interroger l’étude des réseaux en suscitant le débat (fig. 5).

Fig. 5 : Appel à participation dans le cadre des Escales, cycle de conférence-débat organisé par Archipels.

Programme des Escales (conférences-débats) pour l’année 2024-2025 :

  • Escale 1 : Émilie Comes-Trinidad (ArAr UMR 5138) – 27 mai 2025 – musée des Moulages, Lyon 7e
    Thématique de la conférence : dynamiques de peuplement en contexte de moyenne montagne à la fin du Moyen Âge et au début de l’époque moderne
  • Escale 2 : Frédérik Letterlé (ArAr UMR 5138) – 15 juin 2025 – espace Marc Bloch, MSH-LSE, Lyon 7e
    Thématique principale : premiers résultats de l’étude des mouvements de population et des relations sociales à l’âge du Bronze ancien en Basse-Auvergne sur la base d’analyses paléogénétiques.
  • Escale 3 : Jean-Loïc Le Quellec (IMAF UMR 8171) – 8 juillet 2025 – musée des Moulages, Lyon 7e
    Thématique principale : méthode d’analyse de la diffusion des mythes anciens
Restez dans notre sillage !

La venue à Lyon de spécialistes de l’étude des réseaux serait l’occasion de mener des entretiens, en amont des Escales. Ceux-ci permettraient de partager des perspectives variées et enrichissantes sur ce champ de recherche. Il s’agira d’explorer non seulement le parcours et les contributions des chercheur·e·s interviewé·e·s, mais aussi leurs réflexions sur les développements actuels et futurs dans l’analyse des réseaux des sociétés passées. Nous souhaiterions développer un podcast afin de diffuser ces entretiens au format audio.

Vous pouvez également nous suivre sur Bluesky et rejoindre notre groupe Zotero, sur lequel nous invitons nos intervenant·e·s à partager leurs références bibliographiques en lien avec les réseaux !

 
Bibliographie

Camberlein C. 2016. Les réseaux en archéologie : approche historiographique et interdisciplinaire,  Archimède : archéologie et histoire ancienne, 3, 127-134.

Gurvitch G. 1946. La vocation actuelle de la Sociologie, Cahiers Internationaux de Sociologie, 1, 3-20.

Ismard P. 2010. La cité des réseaux, Paris, Éditions de la Sorbonne.

Knappett C. (ed.) 2013. Network Analysis in Archaeology: New Approaches to Regional Interaction, Oxford, Oxford University Press.

Moatti C., Kaiser W., Pébarthe C. (éds) 2009. Le monde de l’itinérance, Pessac, Ausonius Éditions.

Müller C. 2010. D’Olbia à Tanaïs. Territoires et réseaux d’échanges dans la mer Noire septentrionale aux époques classique et hellénistique, Bordeaux, Ausonius Éditions.

Taylor C., Vlassopoulos K. (éds) 2015.Communities and Networks in the Ancient Greek World, Oxford, Oxford University Press.

Les auteur·e·s 

Tim Mibord est doctorant en archéozoologie au sein du laboratoire Archéorient UMR 5133, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon. 

Mathilde Defosse est doctorante en histoire grecque au sein du laboratoire HiSoMA UMR 5189, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon. 

Lucile Pomès est doctorante en technologie lithique au sein du laboratoire ArAr UMR 5138, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Tim Mibord, Mathilde Defosse et Lucile Pomès (4 avril 2025). Archipels, un Laboratoire Junior au service de l’étude des réseaux. ArchéOrient - Le Blog. Consulté le 27 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13osd


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